Cidtheo Invité
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Posté le Sam 25 février 2017, 00:09 Objet : |
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Bonsoir,
votre transcription présente quelques erreurs :
"Te duce Sulcabit fluctus portus [ET] tenebit
Anchora nulla fuit diVitiore loco"
Si la traduction de la seconde phrase me paraît correcte, pour la première il s'agit d'une adaptation de l'esprit de la phrase latin.
"Sulco" est un verbe signifiant "labourer", "tracer un sillon" (la traîne que laisse un bateau derrière lui) conjugué ici au futur (si les souvenirs ne sont pas trop émoussés) ;
"Teneo" signifier "tenir", "retenir
"fluctus", c'est les flots marins
"portus", le port.
Je traduirai donc par [mot à mot] :
"Grâce à toi pilote, il fendra les flots et il tiendra le port"
"Il tiendra" le port, comprendre par là : "il ne dérivera pas".
Voilà mon humble, attendons l'intervention des Hadeptes les plus fervents et les plus calés pour valider ces quelques mots. |
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Bill HadEpte
Inscrit le 25 avr 2013 Messages : 678
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Posté le Dim 26 février 2017, 10:20 Objet : Re: Estampe du 17 ième |
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Luxae a écrit :Bonjour !
Je suis en licence 1 d'histoire et je dois faire un commentaire sur une estampe du 17ième siècle, la voici: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8402067v/f1.item.zoom
Voici la retranscription relative :
Te duce fulcabit fluctus portufob tenebit
Anchora nulla fuit diuntiore loco
La traduction qui m'est donnée est : Le navire ne crains ton pilote est un Dieu, jamais ancre ne futen un plus Riche Lieu
Est-ce exact?
Auriez-vous une traduction a me proposer?
Bonne soirée
Bonjour,
- Je lis :
Te duce sulcabit fluctus portusque tenebit
Anchora nulla fuit divitiore loco
- Je traduis ainsi :
Sous ta conduite (avec toi pour guide/chef) il fendra les flots et touchera au port
aucune ancre ne se trouva dans un plus riche lieu.
- La forme est celle d’un distique élégiaque (hexamètre dactylique suivi du pentamètre dactylique.)
- Il s’agit d’une allégorie de l’état, du pouvoir, de la patrie comme on peut déjà en trouver des exemples chez Horace (Odes, I, 14) : « O nauis, referent in mare te noui fluctus. O quid agis? Fortiter occupa portum« (vv.1-3a) et chez Alcée dont il s’est inspiré : « νᾶῒ ϕορήμεθα σύν μελαίνᾳ- nous sommes emportés avec notre noir vasseau ».
- Il y a bien sûr un jeu de mots dans « divitiore loco – Riche lieu », de même que « anchora- l’ancre » est une allusion à Concini, marquis d’Ancre, devenu maréchal, favori de la reine mère, Marie de Médicis, et qui nomma Richelieu ministre. Il fut assassiné sur ordre du roi Louis XIII.
- « portusque tenebit » renvoie, est-ce une coïncidence ( !?), à Cicéron (ad Fam, I,9) dont le contenu parle de lui- même: "sed ut in navigando tempestati obsequi artis est etiam si portum tenere non queas, cum vero id possis mutata velificatione adsequi stultum est eum tenere cum periculo cursum quem coeperis potius quam eo commutato quo velis tamen pervenire, sic, cum omnibus nobis in administranda re publica propositum esse debeat, id quod a me saepissime dictum est, cum dignitate otium, non idem semper dicere sed idem semper spectare debemus "
-Voici ce qui précède ce passage: » Mes principes sont : qu'il ne faut jamais lutter contre le plus fort ; qu'on doit se garder de détruire, même quand on le pourrait, de grandes existences; qu'il ne faut pas s'opiniâtrer dans une manière de voir, quand tout change autour de soi, et quand les dispositions des gens de bien se modifient comme le reste ; qu'en un mot il faut marcher avec son temps. Voyez les hommes qui ont excellé dans l'art de gouverner : les loue-t-on d'avoir éternellement suivi la même ligne?
… et une TRADUCTION du texte latin proposé : « Les navigateurs habiles cèdent quelquefois à la tempête, qui pourtant ne leur permet pas de rejoindre le port. Lorsqu'en changeant de voiles et en déviant, on peut arriver au but de sa course, n'est-il pas absurde de persister, en dépit de tout danger, dans la première direction qu'on aura prise? Aussi ce que nous devons nous proposer, nous hommes d'État qui n'aspirons, comme je l'ai dit souvent, qu'à nous reposer un jour avec honneur, ce n'est pas l'unité de langage, mais l'unité de but. »
- Une remarque encore : Le texte de l’estampe dit bien « portus tenebit » : Le pluriel « portus » que je traduis pourtant par un singulier, n’est nullement un « pluriel poétique », notion qui est rayée de l’analyse textuelle latine depuis un demi-siècle (le « pluriel poétique est un « puissant remède à l’anémie des philologues » selon H. Bardon) ; à plus forte raison ne peut-il être expliqué pour des « raisons métriques ». Il s’agit de pluriels singularisants (exprimant entre autres une expérience personnelle) que l’on rencontre d’ailleurs aussi bien en prose qu’en poésie (voir les travaux de De Carvalho)
Ici le pluriel « portus » porte l’idée d’importance, de grandeur de ce port dont est personnellement tributaire Louis XIII. On peut par ailleurs voir dans cette estampe une forte note d'ironie car- ce n'est bien sûr pas clair sur l'estampe (est-ce Louis ou Richelieu qui parle?)- c'est bien Richelieu qui dirigeait l'état... Ce que l'histoire confirme.
cordialement |
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